Les ambrés et les résineux

mercredi 10 août 2016
par  Lavinia

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Labdanum (plushfolly.com)


Les matières premières de cette famille sont des gommes et des résines tirées de la sève des arbres : le labdanum, la myrrhe, l’encens, le benjoin, le styrax et le tolu. Ainsi, en distillant la gomme récoltée à même certaines espèces de Commiphora d’Arabie et d’Abyssinie, on obtient l’essence de myrrhe avec son odeur chaude et intense doublée d’une facette boisée.


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Myrrhe (bookofdante.wordpress.com)


Dès la plus haute antiquité, l’Arabie fut considérée ’heureuse’ en raison de la présence de cet arbre sur son sol, ainsi que de sa grande production d’aromates. Dans son Traité des odeurs (v. 4ème siècle av. J,-C), Théophraste qualifie la myrrhe de « chaude, mordante, avec un pouvoir astringent et de l’amertume. »


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Commiphora myrrha


Le même procédé de distillation à la vapeur d’eau permet de produire de l’encens, en recueillant la gomme d’un certain nombre d’espèces de Boswellia originaires de la Somalie, du Yémen, du Soudan, de l’Éthiopie et de l’Inde. Cette essence, avec sa senteur sombre et aromatique, donne une note fumée très puissante aux parfums voulant évoquer le sacré. L’usage de l’encens fait encore partie du cérémonial catholique lors de la messe, ce qui lui confère immédiatement une connotation mystique, encore connue de tous.


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Boswellia


Le baume de styrax lui aussi est secrété par deux espèces d’arbres appelés liquidambar et que l’on trouve en Syrie, en Asie mineure et en Amérique du sud. Son essence possède une odeur est forte, cuirée et animale, avec facette vanillée, balsamique et florale.


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Liquidambar


Le Benjoin est un baume qui découle naturellement ou par incision du tronc d’un arbre de la famille des Styracées : le styrax benzoin venant de Siam ou de Sumatra. En parfumerie, la gomme est traitée par extraction aux solvants volatiles pour obtenir l’absolu benjoin vanillé, doux, amandé, miellé et riche. Le tolu, quant à lui, était principalement récolté en Colombie et son absolue obtenue par extraction aux solvants.



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Styrax benjoin


Cependant, cette famille de parfums comprend aussi la première note abstraite en parfumerie : l’ambre composée de labdanum et de vanilline. Celle-ci est présente dans tous les accords des parfums dits ambrés à base de fève tonka, de vanilline, de coumarine, de labdanum, de patchouli et de résines comme le benjoin, l’encens ou l’opopanax.


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Opopanax


Depuis Ambre Antique de Coty, sorti en 1908, l’utilisation des résines, des baumes et de la vanille, produit de riches parfums appartenant souvent, mais non toujours, à la famille des orientaux. Dans tous les cas, contrairement aux néoclassiques, ces compositions impressionnent par un effet d’opulence, non par leur simplicité géométrique. Elles tiennent du côté dionysiaque et sensuel des religions.


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Danse des bacchantes


Ce n’est pas un accident si, depuis l’antiquité, les parfums résineux évoquent la puissance et la richesse. Brûler des branches, des gommes ou des résines, est une méthode simple pour disposer d’odeurs agréables, bien que ces produits aient un prix. Il y a plus de 5000 ans déjà, les Égyptiens célébraient le dieu du soleil, Râ, à son lever, à son zénith et à son coucher par des fumigations.


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Fumigation, Le livre des morts, 18ème dynastie (env. 1400 av. J.-C)


L’art de la parfumerie se développa dans ce contexte, parce que les prêtres fabriquaient aussi des onguents pour la toilette des statues divines et la momification des pharaons, puis, par la suite, pour celle de tous les hauts personnages. Progressivement, les Égyptiens adoptèrent les baumes à base de graisses ou d’huiles saturées de fleurs ou d’épices pour en faire un usage profane. L’un des raffinements suprêmes était de se poser sur la tête de petits cônes d’essence balsamique qui, en fondant, parfumaient le visage.


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Égyptienne avec cône parfumé sur la tête (tombeau de Menna)


Chez les Grecs, l’encens et la myrrhe, jetés dans le feu du sacrifice, avant la cuisson de viandes, nourrissent les Dieux de fumées odorantes. On en oignait aussi les statues divines, pratique que l’on retrouve en Égypte, dans l’Ancien Testament, avec celle d’encenser les autels, l’encens faisant office de passerelle entre les hommes et Dieu.


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Encens (pratiquerlameditation.com)


Dans le Nouveau Testament, les présents offerts par les trois mages, montrent que la valeur monétaire et symbolique des résines n’a guère changée. Gaspard apporte de l’or au Christ parce qu’il est roi ; Melchior de la myrrhe aux vertus purifiantes ; Balthazar de l’oliban ou de l’encens blanc destiné à Dieu.


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Adoration des trois mages, basilique Santa Maria in Trastevere (édifiée entre 1140 et 1143)


A vrai dire, les cultures méditerranéenne et orientale ont toutes fait un usage similaire des résines, vouées au culte des Dieux, dignes des plus riches offrandes, reconnues pour leurs pouvoirs purificateurs et aphrodisiaques.


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Myrrhe (laboratoire-lecuyer.com)


Par ailleurs, beaucoup de parfums combinent ces résines – le benjoin, le labdanum, l’opoponax, l’encens et le tolu – avec de la vanille, ainsi que de la fève tonka, de la coumarine et du muscs. Cet ensemble de notes entrent dans l’accord ambré, mais, comme nous l’avons vu, la vanille et le labdanum, une gomme produite par les feuilles et les rameaux de Cistus ladaniferus, Cistus creticus et Cistus cyprius, suffisent à produire cette note abstraite.


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Cistus ladaniferus (wikipédia)


Selon la logique traditionnelle des familles olfactives, tous ces parfums se classent d’emblée parmi les ambrés, une sous-catégorie des orientaux, ce qui ne manque pas de poser des problèmes. En effet, ledit accord ’ambré’ existe dans des parfums dont le rendu me semble très différent, tels L’heure bleue de Guerlain et Ambre Sultan de Serge Lutens.


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La raison en est que l’accord ambré, contenant du ciste, est souvent confondu avec l’ambre gris de Shalimar ou le méthylionone, qui le remplaça. Cette même idée d’une composition clair-obscur dans se retrouve dans des compositions réellement ambrées ou résineuses plus modernes comme Ambre Sultan de Serge Lutens ou Tolu d’Ormonde Jayne.


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George de la Tour, Le nouveau-né


En effet, c’est cette opposition de notes fraîches et de notes chaudes qui donne du relief à l’opulence des résines et de la vanille. Là où l’accord ambré prend le dessus, un parfum peut être qualifié d’oriental, car il renvoie à cette idée de l’Arabie heureuse, riche en plantes résineuses, et par extension, à toutes les cultures de l’Orient et du Moyen-Orient qui en font usage depuis la nuit des temps. Cette section est dédiée aux parfums qui nous font voyager vers ces terres.


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La terre d’encens d’Oman, province de Dhofar (tropicalement-votre.com)



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