Les doux-amers : Sous-bois mousseux, bourgeons gluants et fruits mûrs

jeudi 11 août 2016
par  Lavinia

Sous-bois mousseux

Des notes fraîches, sucrées et amères, parfaitement équilibrées, sont à la l’origine des plus grands délices olfactifs et culinaires. Frais, doux, parfois gourmand, toujours tonifiant, l’ensemble forme un tout où rien ne manque et rien n’est de trop.

Bourgeon de cassis

Cet effet peut être obtenu de diverses manières : il suffit que la fraîcheur, la douceur et l’amertume soient contenues dans les composants utilisés. Si on fait une analogie avec la peinture, on trouve des œuvres qui représentent des sentiments pouvant être qualifiés de la sorte. Voici un tableau de Frieda Khalo, peint une fois réconcilié avec Diego Riviera, après une séparation douloureuse.

Frieda Khalo, Diego and I, 1949

En cuisine, les exemples ne manquent pas : une tarte confectionnée avec des fruits légèrement amers, un fromage de chèvre accompagnés de figues ou du miel, des viandes associées aux fruits ou au sucre, comme le canard à l’orange, la dinde assortie d’une sauce aux groseilles, le porc au caramel et tous les apéritifs amers qu’on mélange avec des jus de fruits ou des sirops offrent au palet des contrastes heureux. Chaque ingrédient, auquel ces recettes prêtent un caractère sophistiqué, est mis en valeur, sans que son goût particulier ne se perde dans une masse de saveurs fortes.

Magret de canard avec sauce à l’orange épicée

Ce genre d’exercice relève d’un certain formalisme : il y a des règles fixes derrière les associations traditionnelles. Rien n’interdit, cependant, de les tordre, à partir du moment où la forme est préservée. En parfumerie, deux sortes de parfum exemplifient cet accord frais/doux/amer. D’abord les chyprés classiques, fondés sur un accord entre la bergamote zestée, la douceur de la rose ou du jasmin, ainsi que les tonalités complexes de la mousse de chêne, à la fois moisie, terreuse et champignonneuse.



Bergamote (digestion.ooreka.fr))

Jasmin (ormenis.com) et Rose (en.wikipedia.org))

Mousse de chêne (blogs.rpn)

D’autres notes balsamiques ou animales peuvent ajouter chaleur et sensualité au parfum, mais le trio de base doit être là : bergamote ; jasmin ou rose ; mousse de chêne. Je veux bien accorder que certains parfums, tels 31 rue Cambon ou Rush, s’inspirant de cette forme triptyque, tout en se passant de mousse de chêne, soient des néo-chyprés, mais ni le patchouli, ni le vétiver ne rendent l’amertume propre au chyprés. Ils ne sauraient donc se classer parmi eux, mais plutôt comme des boisés, voire des musqués, comme Narciso Rodriguez, For Her, s’ils font jouer à des muscs légèrement animalisés le rôle du labdanum souvent présent dans le triptyque traditionnel.

Labdanum (organicinfusions.com))

Ensuite, les fleuris/fruités et les fruités/fleuris, mariant les notes amères des fruits et des fleurs avec leurs notes douces, produisent ce contraste d’une autre façon, mais reste dans le registre d’une légère acidité et d’une grande douceur. Les baies de nos campagnes et les fruits tropicaux possèdent ces deux senteurs à la fois comme les fleurs. Il est donc possible de les contraster, comme le fait Chamade, ou de les confondre tel Iris Gris. De nouveaux accords doux-amers peuvent donc s’inventer sur cette base, que je qualifierais d’aigre-doux, tant au sens littéral d’un fruit suret, qu’au sens littéraire d’une tendresse avec une pointe de cynisme.

Grappe de groseilles


Commentaires

Navigation

Articles de la rubrique

  • Les doux-amers : Sous-bois mousseux, bourgeons gluants et fruits mûrs