Miss Dior de Christian Dior, souriez verte jeunesse, les loups sont sortis de Paris.

mercredi 30 novembre 2016
par  Lavinia

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Miss Dior de Christian Dior, vintage années 60

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En 1947, la Guerre, toute proche, semblait déjà loin. Christian Dior connaît un succès triomphal avec le New Look et la haute couture française regagna son statut légendaire. Le parfum, qui l’accompagnait, Miss Dior, célébrait une jeunesse insoucieuse, avide de vivre et de s’amuser. Il combine élégamment l’effervescence, la force, la douceur et l’animalité. Son originalité est telle que sa beauté fascine ou laisse de marbre.


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New Look


L’extrait de parfum Miss Dior, créé en 1947, par Jean Carles et Paul Vacher, réussit cette prouesse avec une composition improbable, inspirée à la fois par Chypre de Coty et Vent Vert de Balmain. Au lieu de suivre l’orchestration classique du chypré, en débutant par une délicieuse note de bergamote, Miss Dior ouvre le bal avec une harmonie verte essentiellement composée de galbanum, de gardénia et de sauge sclarée, dont l’odeur herbeuse, ambrée, boisée et sèche, possède une puissance de diffusion rivalisant avec la note prenante du galbanum intensément vert et résineux.


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Sauge sclarée


L’ouverture du parfum produit indéniablement un effet effervescent, comme des bulles de champagne, et ce d’autant plus que des aldéhydes viennent encore accentuer toutes ses notes montantes et que la sauge sclarée possède des vertus fixatives assurant leur pérennité. Le galbanum de qualité, de toutes les façons, ne manque jamais de produire une impression exaltante, qui rappelle la jeunesse et la fraîcheur du printemps.

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Résine de galbanum

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Gardénia


Parmi les notes de têtes, le gardénia assure le lien avec les notes de cœur de façon magistrale. Son odeur opulente de fleur blanche s’accompagne, en effet, d’un côté vert fruité, assurant le lien entre les notes vertes de départ et le cœur fleuri du parfum. Avec son léger arôme de champignon, le gardénia fait même un clin d’œil à la mousse de chêne terreuse, au cuir de Russie, ici bien lascif et ambré, puis à la note franchement animale de civette que je crois détecter dans les notes de fond. Mais cette jointure met surtout l’accent sur le caractère fleuri du parfum et, plus particulièrement, sur le jasmin qui en ressort.


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Billie Hodiday coiffée avec ses éternels gardénias


Il faut dire que Miss Dior est un chypré particulièrement fleuri. Jasmin, rose, néroli, narcisse, iris, œillet et muguet donnent un bouquet floral détonnant. Une puissante note de jasmin verte, profonde et assez animale le domine.

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Jasmin


Mais elle est intimement associée à une rose fraîche, à un néroli zesté, au vert muguet, aux notes épicées de l’œillet et aux notes de foin provenant d’une très belle narcisse un peu verte. Nous nous retrouvons ainsi devant une symphonie florale, où la jasmin, jouant le rôle de premier violon, s’assure que chaque pupitre s’accorde correctement avec le tout, en jouant sa note ou nuance de vert, qu’elle soit tendre comme celle du muguet ou profonde et puissante comme celle du patchouli.


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Nicolas Stael, Abstract painting, 1949


Loin d’écraser cette harmonie de fleurs, les notes de fond lui confèrent en sus un caractère envoûtant. Le patchouli et le ciste-labdanum exercent leur magie verte en connivence avec les nombreuses notes fraîche de Miss Dior. Tous ensembles, ils mettent les fleurs en relief par leur côté tranchant et râpeux contrastant avec le velours des pétales.


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Cézanne, Fleurs


La mousse de chêne lui donne une chaleur profonde et amère et le patchouli, comme le savent tous les parfumeurs, se marie à merveille avec les notes douces des fleurs. Enfin, le cuir de Russie et la civette les réchauffent en rappelant le côté animal des senteurs florales, ce qui leur prêtent une équivocité indispensable à tout bon parfum fleuri. Une façon imagée de communiquer cette impression m’est possible avec Full Fathom Five, de Pollock où l’impression initiale d’un vert vibrant se combine avec des verts plus foncés et des tâches de couleurs diverses, qui procurent à l’ensemble une grande profondeur, sans lui retirer sa luminosité.


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Pollock Full Fathom Five, 1947


Au fond, je n’ai jamais trouvé de parfum aussi joyeux et grave à la fois, avec des fleurs si odorantes et un brin mauvaises, des notes vertes soulignées par d’autres éloignées et plus sombres, le tout exprimant la joie de vivre l’instant présent et l’oubli créatif, qui demande une certaine fougue reposant, toutefois, sur le calme intérieur que permit la cessation des hostilités.


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Stael, Calme, 1949


Les notes de tête :

Aldéhydes, Gardénia, Galbanum, Sauge sclarée, Bergamote

Les notes de cœur :

Jasmin, Rose, Néroli, Narcisse, Iris, Muguet, Œillet

Les notes de fond :

Ciste, Cuir de russie, Bois de santal, Ambre, Patchouli, Mousse de chêne, Vétiver


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