Poison de Christian Dior : Tubéreuse aux fruits et aux épices

samedi 22 septembre 2018
par  Lavinia

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Poison de Christian Dior, Esprit de parfum (photographie tirée de mon compte Instagram



Associer de la tubéreuse avec un accord fruité de prune et de baies sauvages, du miel et une base très musquée, voilà la combinaison audacieuse qu’imaginèrent Edouard Fléchier, Maurice Roger et Christine Sayn Wittgenstein, missionnés par la maison Dior, dans les années 80s, afin de rompre avec la tradition. Aigre-doux et animalisé, Poison réussit son pari : fraîcheur, richesse, ténacité et originalité.



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Baies sauvages (seehof-mondsee.com)



En effet, depuis Diorella, lancé en 1972, les Parfums Christian Dior, manquaient de dynamisme. Ils avaient été rachetés par Moët et Chandon en 1969, et leurs priorités se situaient ailleurs. Cependant, après l’acquisition de Hennessy en 1981, Alain Chevalier devint président du groupe et, l’année suivante, décida d’engager Maurice Roger pour créer un parfum dramatique, unique et entièrement nouveau.



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Poison (Affiche publicitaire de Dior)



Lorsqu’il sortit en 1986, Poison suscita immédiatement la controverse. Soit on aime, soit on déteste. Il faut dire que Poison est un parfum courageux, élaboré entre 1982 et 1986, sous la direction artistique de Maurice Roger, sans étude de marketing. A l’heure actuelle, il me semble difficilement concevable qu’une grande maison travaille ainsi, en donnant entièrement liberté aux parfumeurs, puis en choisissant la combinaison de notes la plus exceptionnelle. Ce qui n’est dire que Poison correspond réellement à une esthétique gothique, tel la musique des premiers Siouxsie and the Banshees, avant 1980. Siouxie Sioux, d’ailleurs, a changé de look après cette période.



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Siouxie Sioux (Susan Janet Ballion) (txtropes.org)



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Siouxie Sioux



Mais bien que l’affiche publicitaire de Poison renvoie bien à cette mode, le parfum ne me semble pas particulièrement noir. Il me rappelle, au contraire, les couleurs vives et les faux bijoux scintillants, mis en scène dans les clips des groupes new wave, tels the B-52s, dans les années 70s et 80s, avec leur musique complexe liant le punk et la pop, le rock et les synthétiseurs, la provocation et l’humour.



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The B.52s (amazon.com)



Dans l’esprit de l’époque, Poison lui aussi marrie des notes douces de miel et des baies sauvages, avec leurs facettes douces et amères, qui donnent du brillant, dès l’ouverture du parfum. La fleur d’oranger vient encore accentuer le côté fruité du parfum, vif et optimiste.



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Fleurs d’oranger (lafoliedessenteurs.com)



En fait, l’élaboration de Poison coïncida avec la commercialisation d’une molécule à l’odeur miellée, l’acide phénylacétique, je crois, que l’on trouve à l’état naturel dans les fruits, et en fit grand usage, particulièrement dans la version Parfum. Il s’agit d’une note dorée et sucrée.



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Acide phénylacétyque



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Cire d’abeille (laino.com)



En revanche, les baies sucrées, probablement dérivées du prunol, ont des nuances synthétiques proche des bonbons Haribo. Avec les damascénones, elles apportent des accents synthétiques à l’absolue de rose au cœur du parfum, alors que le miel en accentue la connotation traditionnelle.



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Une rose (le-domaine-de-manon.com)



Cependant, l’essentiel reste le jeu entre la facette orangée et indolique de la tubéreuse. Cette fleur, mal aimée des fleuristes, possède, en effet, un double visage : d’une part, trop sucrée, de l’autre trop fécale. Il en est d’ailleurs de même pour le jasmin aussi présent parmi les notes de cœur. Peut-être que le rejet du parfum vient de là.



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Tubéreuse (crocus.co.uk) et jasmin (jardiner-malin.com)



Fléchier pousse, en effet, qu’à leurs limites l’aspect écœurant à la fois de la douceur et de l’animalité des fleurs blanches, mais plus particulièrement de la tubéreuse. D’une part, l’arôme des baies des Dragibus noirs et le miel, alliées avec la fleur d’oranger, en notes de tête et de cœur, amplifient les notes sucrées ; de l’autre, en notes de fond, le ciste-labdanum et l’opoponax donnent des notes animales et traversent le parfum d’un encens musqué.



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Ciste labdanum (umuthi.co.za )



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Opoponax (lgbotannicals.com)





Les bois et les épices jouent aussi un rôle crucial. Les fruits et les fleurs donnent un aspect riche mais frais à Poison, alors que la cannelle, la coriandre et les bois leur assurent profondeur et ténacité. A vrai dire, la puissance de Poison vient de là, mais aussi son bon goût. Même la cannelle, savamment dosée, est équilibrée par la coriandre.



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Cannelle (laboutiquedubourbon.com) et Coriandre (vidya-ayurveda.com)



En effet, je fais parti de ceux qui admirent et le Parfum et l’Esprit de Parfum sans réellement comprendre le dégoût qu’ils provoquent. Il y a bien des parfums qui provoquent cette réaction chez moi, mais ce sont généralement les senteurs excessivement sucrées. Or je trouve que la coriandre, le ciste-labdanum et l’opoponax empêchent Poison de tomber dans les parfums confiserie, malgré son côté bonbons Haribus, tout comme les effets de son punk, électroniques et synthétiques tirent la bonne New Wave en dehors de la sphère de la musique Pop.



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Dragibus noirs (super-bonbon.fr)



J’aime beaucoup porter Poison par temps chaud en automne. Les deux versions que je possède, l’Esprit de Parfum et le Parfum, diffèrent très peu, bien que ce dernier soit plus doux. Avec ses aspects frais et synthétiques, fruités et fleuris, épicés et boisés, Poison s’accorde très bien avec la mi-saison. De plus, sa note de miel prononcée évoque la lumière d’automne.



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La lumière de l’automne (tce76.canalb)



Bien qu’avant-gardiste, car toujours unique dans son genre, il n’est nul besoin de le porter avec une tenue particulière. Poison ajoute du piquant et de l’imprévu dans tout contexte. Toutefois, méfiance ! Il y a bien des effets dissonants dans Poison. C’est pourquoi le parfum est bien nommé. D’ailleurs le nom a été trouvé avant qu’il ne soit élaboré et en a inspiré la composition. Même si personne ne m’a jamais fait de remarques à son sujet, il reste des ennemis jurés de cette fragrance. A éviter, donc, lorsqu’il faut, à tout prix, faire bonne impression.



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Tubéreuse (jardinage.oreeka.fr



Notes de tête :

Prune, Baies sauvages et Fleur d’oranger



Notes de cœur :

Tubéreuse, jasmin, rose, cannelle, œillet, coriandre et encens



Notes de fond :

Musc, opoponax, ciste-labdanum, ambre, bois de santal et cèdre