Eau rose de Diptyque, fraîcheur et simplicité

dimanche 21 août 2016
par  Lavinia

Eau Rose , Diptyque

Conçue comme une infusion, par Fabrice Pellegrin en 2012, cette eau florale ne peut plaire qu’à ceux qui ne recherchent ni le mystère, ni la sophistication, mais l’odeur de la rose fraîche distillée. Je dois l’avouer, j’en fais parti. Tous les matins, je m’asperge le visage avec de d’eau de rose et, en plus, je m’en sers dans mes préparations de masques à base de rassoul et d’huile d’argan. Je suis donc une victime prédestinée pour un parfum qui prétend uniquement être une eau de rose, dont l’odeur tient un peu plus longtemps, à condition d’en user et d’en abuser.

Eau de rose

On ne se parfume pas, en effet, de la même façon avec une eau, un parfum ou un extrait de parfum. Le plaisir particulier d’Eau Rose se trouve là : on peut en mettre beaucoup, plutôt que procéder par petites touches et se rafraîchir tout au long de la journée sans craindre de cocoter. Son inévitable défaut reste sa faible tenue. Vu qu’il a été composé sans trop de fixateurs performants, qui changent l’odeur de la fleur, toute critique sur ce point résulte d’une incompréhension : le soliflore, qui cherche à se rapprocher le plus possible de la rose fraîche, ne saurait durer plus de temps sur la peau que l’odeur d’une fleur dans un vase. Eau Rose se fait très vite discrète, parce que Fabrice Pellegrin s’est abstenu d’ajouter trop de muscs à sa composition.

« La richesse de la rose, c’est sa fragilité. », De Lisle

Comme tous les défauts esthétiques bien assumés, le manque de tenue peut se transformer en une qualité. Pour un rendez-vous matinal, par exemple, une eau florale de ce type est idéale. A ces heures, le nez ne supporte pas mieux les parfums lourds que l’oreille ne tolère la musique forte. A peine éveillés, les sens ont besoin d’être bercés, non secoués. Plus avant, Eau Rose ne risque d’incommoder personne, même dans un cas extrême comme celui du restaurant gastronomique. Car, au final, rares sont ceux qui trouvent l’odeur de rose déplaisante. La preuve en est que les parfums imitant la rose ont traversé toutes les modes sans jamais disparaître. Coco Chanel en a dit tout le mal qu’elle pouvait, mais décidément rien n’y fait : la rose plaît toujours.

Bouquet de roses

Si un simple hommage à une fleur semble inintéressant au possible à certains, il touche une corde sensible, chez ceux parmi nous, qui aimons la nature et les produits qui l’imitent de près. Certains connaisseurs, tels Luca et Tania Sanchez, tiennent la parfumerie pour une œuvre d’art à partir du moment où elle ajoute quelque chose à la nature. Mais que faire des petits maîtres ? Pour ma part, je dirais qu’Eau Rose ne compte certes pas parmi les grandes œuvres de la parfumerie moderne, mais que l’infusion de Pellegrin n’en a nullement la prétention. Il n’y a donc aucun débat là-dessus. Je soutiens, toutefois, qu’Eau Rose possède la beauté d’une création techniquement au point et gentiment originale dans sa façon de prendre le contre-pied de la mode actuelle. A force de tendresse et d’harmonie, Eau Rose en devient belle, comme une mélodie de George Brassens, sans se prendre pour de la grande musique.

Rose centifolia

Et comment séparer les œuvres qui ajoutent quelque chose à la nature de celles qui en dérivent ? Eau rose allie, en effet, les roses Centifolia et Damacesna, afin de produire son impression de simplicité. Or, à vrai dire, ces deux roses sont déjà des hybrides et donc des artifices de l’homme, non des productions de la nature. Plus particulièrement, la rose Centifolia, d’apparition voulue et récente, semble avoir été inventée à cause de son parfum doux et sucré, tout autant que sa beauté visuelle. On retrouve le même problème dans le cas du vin : est-il fabriqué dans la cuve ou dans les champs ? Personne ne saurait arbitrer. Les parfumeurs réputés ne vont-ils pas à Grasse, en Bulgarie, au Maroc ou ailleurs, pour sélectionner les meilleurs produits ? Leur art ne s’exerce-t-il pas là-bas aussi bien qu’à Paris ?

Rose damescena

Dans Eau Rose, deux roses s’associent, dès le départ, au litchi, donnant une impression de couleur rosée, qui est généralement celle de ces fleurs. Toutefois, les notes de tête de bergamote, de cassis et de litchi semblent s’évanouir rapidement. En réalité, elles se mêlent aux notes de cœur du géranium et de la rose, pour leur donner une fraîcheur fruitée. Ainsi rien ne gâche l’impression aérienne de l’eau de rose. Elle ne devient jamais poudrée, car les fruits l’en préviennent, ni non plus lourde et sucrée, à cause du géranium, qui prête toujours un peu de verdeur.

Géranium

De plus, un léger vent de girofle et de cannelle, probablement produit par le géraniol, lui donne un arôme épicée : un clin d’œil à l’Eau, le premier parfum de chez Diptyque, composé par Desmond-Knox-Leet. Enfin, les notes de fond, le musc, le miel blanc et le cèdre de virginie, permettent de fixer, pour un temps, les facettes de cette rose peinte en rose discret : son côté propre, légèrement sucré et épicé, enfin, boisé comme un crayon à papier qu’on vient juste de tailler dans la corbeille.

Taillure de crayon

Voici les notes que je devine dans mon flacon de 2014 : en note de tête : la bergamote, le cassis et le litchi ; en note de cœur : le géranium, la rose, la girofle et peut-être la cannelle ; en notes de fond, le musc, le cèdre de Virginie et du miel blanc. Je ne sens pas le jasmin listé par Fragrantica.




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