Impressions de Giverny de Fort & Manlé (fortandmanle.com)

Impressions de Giverny repose sur une mise en abîme : vers 1895, en créant ses jardins, Claude Monet composait le modèle dont il avait besoin afin de composer ses tableaux ; en s’inspirant de cette composition originaire, Rasei Fort de Fort & Manlé s’inscrit dans l’œuvre de Monet, par une correspondance, qui n’est pas une copie : le parfum renvoie, non directement à la peinture de l’artiste, mais à l’un de ses modèles qu’il tente de capturer à sa façon.

Le jardin d’eau (fondationclaudemonet.com)

Tout comme, dans un tableau, le reflet d’un miroir nous donne à voir la scène au premier plan par un autre biais, Impressions de Giverny l’envisage sous un angle complètement différent. Cependant, tout comme Monet voulait fixer la lumière et le mouvement sur une toile, en ce tenant au plus près de ses jardins, Rasei Fort lui aussi va tenter retenir les senteurs changeantes des différentes plantes juxtaposées dans un flacon. A la beauté des couleurs chatoyantes répond celle de la senteur de multiples fleurs et plantes juxtaposées.

Monet, Le jardin de l’artiste à Giverny (1900)

Il faut d’abord savoir que les jardins de Giverny ont surtout été conçu pour leur qualités visuelles, telles les fleurs aux éclatantes de couleurs, et, plus simplement, pour contenir des éléments, comme l’eau et les nénuphars que Monet affectionnait personnellement.

Jardin de fleurs (fondationclaudemonet.com)

Deux jardins se côtoient : le jardin des fleurs, planté de fleurs très colorées comme les iris et les tulipes, et le jardin d’eau, rendu célèbre par ’Les Nymphéas’, une série de peintures à l’huile d’environ 250 tableau, dépeignant le chatoiement du soleil dans l’eau et la couleur qu’il donne aux nénuphars, fonction de l’heure, du ciel et de la saison. Monet travaillait donc sur plusieurs tableaux en même temps, car, du jour au lendemain, il peignait la grisaille ou le beau temps, et même, en un seul jour, si le temps se maintenait, il passait des couleurs matinales à celles du coucher de soleil.

Jardin de fleurs (giverny.org)

Jardin d’eau (magazine.hortus-focus.fr)

Rasei Fort, quant lui, se concentre sur le jardin d’eau, fasciné par juxtaposition harmonieuse de plantes indigènes et des plantes exotiques qu’aimait Monet en raison de son admiration pour l’esthétique japonaise, dont le pont est aussi témoin.

Les bambous du jardin d’eau (xploandolavida.wordpress.com)

Son parfum s’appuie sur les fruits et le côté fruité des fleurs, à tel point que le magnolia apparaît sous sa facette citronnée, la tubéreuse et le néroli déploient leurs senteurs orangées, l’osmanthus devient particulièrement abricoté et les notes vertes de la tubéreuse, de la fleur d’oranger, des feuilles de violette et des feuilles de figuier donnent l’impression de se promener dans un jardin frais à l’ombre des saules pleureurs, des bambous et de la glycine qui entourent la mare. Dans cet ensemble, le magnolia, à la fois floral, vanillé et citronné, rassemble les notes de fleurs, de fruits et le benjoin en note de fond.

Magnolia dans le jardin d’eau (giverny_impressions.com)

Mais les notes vertes jouent aussi un rôle important, de part leur fraîcheur, rappelant l’eau verte de la mare, ainsi que les feuilles des arbres. C’est dans ce décor vert que les fleurs livrent leurs fragrances diverses.

Jardin d’eau (giverny.fr)

Toutefois, une analyse plus détaillée révèle que l’ouverture fruitée, où la pomme rouge sucrée contraste avec le yuzu, un petit fruit japonais, amer comme un citron, avec des accents doux comme une fleur, se prolonge tout naturellement dans les notes de cœur, où les fleurs blanches, particulièrement le magnolia, sont douces comme des fruits.

Yuzu (japantimes.co.jp)

Pommes rouges (colourbox.com)

Même la tubéreuse n’est pas entêtante, mais développe une note miellée, peut-être en raison de son association avec la rose. Y paraît aussi une note de tulipe pétillante qui rejoint la bergamote. Il est vrai que la tulipe est surtout connue pour ses fleurs se déclinant en une infinité de couleurs, mais certaines ont pourtant une odeur. Je sais si Rasei Fort a utilisé les produits synthétiques sur le marché actuellement, reproduisant son odeur citronnée, mais il se peut que la tulipe émerge, comme une pointe de couleur vive, d’un mélange d’agrumes et de fleurs.

Plate-bande de tubéreuses à Giverny (rustica.fr)

Photo d’Ariane Cauderlie, rosier grimpant à Giverny

Palette de tulipes à Giverny (ginernynews.com)

La mangue, avec ses notes de pêche, de prune et de litchi, s’associe à la rose et apporte elle aussi de la couleur aux fleurs blanches déjà bariolées par les fruits. Au final, Impressions de Giverny rend bien la fraîcheur du jardin d’eau avec ses fruits, ses fleurs fruitées et ses feuilles vertes. Par association, ils nous font aussi penser aux senteurs d’un jardin, qui, comme ses couleurs, changent incessamment, non seulement au fil des saisons, mais tout au long de la journée.

Mangue (gardenchic.com.au)

L’ambre-gris, en note de fond, soutient l’évocation du jardin d’eau, parce qu’il rappelle les algues de la mare et la douce mousse qui l’entoure. Le benjoin, vanillé, et le musc n’ont pas la vedette. Contrairement à d’autres parfums de Fort & Manlé, les notes de fond ont pour fonction de fixer une composition florale et fruitée abstraite, où les notes de tête se prolongent jusque dans les notes de cœur. Ah ! J’allais oublier la coriandre ! Mais celle-ci non plus ne domine pas. Elle orientalise, cependant, le jardin avec une petite touche épicée, poivrée et zestée, qui relève le côté sucré du parfum.

Ambre-gris (australianhumanitiesreview.org)

Coriandre (en.wikipedia.org)

Impressions de Giverny est un parfum plutôt léger qui se porte facilement, je dirai plutôt la journée, au printemps et en été. Subtil, délicat et translucide, tels les jardins, c’est un parfum fleuri-frais avec de succulentes notes de fruits.

Monet, Le jardin aux iris à Giverny (1900)

Monet, Les Nymphéas (1906)

Notes de tête :

Yuzu, Bergamote, Fruits et Pomme rouge