Fleur qui Meurt de Guerlain

mardi 26 mars 2019
par  Lavinia

Fleur qui Meurt de Guerlain (Parfum) (vintage 1925-30) (#lesplusbeauxparfums)


Préambule


Cet article se présente trois parties partie. La première met en avant l’originalité du sujet ; la deuxième analyse l’odeur de Fleur qui Meurt comparé avec un bouquet de violettes qui dépérit ; la troisième traite du contexte social et artistique dans lequel le parfum a été créé, indispensable, je crois, à sa réelle compréhension ; la quatrième en montre la portée symbolique en relation aux valeurs olfactives.



Violettes qui croupissent (photography sur mon compte Instagram))


Pour tout ce qui concerne la reconstitution historique, je suis infiniment redevable à l’article ‘De l’Eau Impériale aux Violettes du Czar’ d’Eugène Briot, qui m’a fourni toutes les références nécessaires, ainsi qu’une analyse savante et nuancée. En ce qui me concerne, je me suis contentée de me pencher sur l’art de l’époque et d’émettre quelques hypothèses sur le double visage de la violette.



Violette (photographie sur mon compte Instagram)


I – Originalité artistique de Fleur qui Meurt


Fleur qui meurt n’a rien d’un parfum à la violette comme un autre : ni côté bonbon ou sucré, Jacques Guerlain a choisi, en 1901, de la représenter telle qu’on la cueille, puis croupissant dans un vase. Notons qu’aucune équipe de marketing n’avaliserait un tel projet à l’heure actuelle. Après L’ondée passe encore, car bien que démodée, par rapport aux parfums girlys, la mélancolie reste acceptable. Mais la mort ? Qui oserait s’en approcher ?



John Everet Millais, Ophelia (1851-52) (détail montrant son collier de violettes)


« A violet in the youth of primy nature,

Forward, not permanent, sweet, not lasting,

The perfume and suppliance of a minute,

No more » (Shakespeare, Hamlet I.iii.6-10).


(Traduction libre : Une violette de la jeunesse printanière, précoce mais éphémère, suave mais sans durée, dont le parfum remplit une minute ; rien de plus. )


D’autres se sont aventurés du côté de la répugnance dont Pierre Bourdon, le créateur de Kouros, lancé en 1981 par Yves Saint Laurent, dont la note de costus, rappelant la sueur, fit polémique. En 2006, État Libre d’Orange sortit un parfum de la sorte, Sécrétions Magnifiques dans le but nous de pousser au dégoût, selon les dires du nez Antony Lie sur Fragrantica, bien que certains en trouvent l’odeur agréable. Personnellement, je ne l’ai jamais senti, alors je ne commente que sur la démarche. En revanche, je connais Rien, de la même maison, lui aussi de 2006, ironisant sur les restrictions législatives et le minimalisme ambiant, avec un jus cuiré et animalisé, donc plein de notes fortes, n’évoquant nullement le néant ou la mort comme son nom semblerait l’indiquer.




Publicités de Kouros et de Sécrétions Magnifiques


Cependant, si toutes les formes d’art abordent fréquemment le thème de la mort, la parfumerie ne le fait pas ouvertement. Associée à l’hygiène, à la mode et au désir, elle ne peut sentir la mort. En effet, le parfum a ceci de particulier : entre Éros et Thanatos, il faut choisir. Dans une perspective musicale, littéraire ou visuelle, la mort s’esthétise. L’artiste prête une belle forme à un sujet laid ou morbide. Est-ce possible en parfumerie ou celle-ci doit-elle se cantonner à être agréable de bout en bout ?



Otto Dix, La guerre, triptyque (entre 1929-32)


Il me semble que Jacques Guerlain a démontré la dimension esthétique du parfum, sa nature artistique, en travaillant sur la décomposition. Dans Fleur qui Meurt, en effet, les notes animales – du costus et du muscs – s’utilisent à la fois pour convoquer le désir et décrire la mort assimilée à la corruption de la chair.



Claude Monet, Camille sur son lit de mort, (1879)


En effet, nous l’avons vu, le costus rappelle la transpiration imputable dont l’odeur, comme celle des cadavres, s’explique par le fait que des bactéries décomposent notre sueur, en elle-même inodore, à même la peau. Les parfumeurs décrivent la senteur de cette racine comme étant proche de la graisse sécrétée par la peau du mouton mêlée à sa laine. Je suis pas familière avec les moutons et ne connais le costus qu’au travers de Kouros, mais aussi dans Djedi de Guerlain et Gentleman de Givenchy. C’est dire que son utilisation diffère.



Saussurea costus (herbsspice.guide)


II – Les notes de Fleur qui Meurt


Jacques Guerlain donne beaucoup d’importance à cette racine dans Fleur qui Meurt. Sa composition, assez simple, part d’une fleur de violette, très profonde et poudrée, avec de multiples facettes allant du vert au crémeux. C’est pourquoi il y a lieu de supposer que du baume de violette vient compléter les ionones. De plus, en fin de parcours, la fleur a une odeur très grasse, étonnamment tenace face à la concurrence de muscs puissants, qui forme, en sus, un accord avec le costus en note de tête, à moins que ce ne soit celui-ci qui se prolonge indéfiniment.



Photographie de Misty, Enfleurage de violettes (vue à travers le verre) (picssr.com)


Au départ, on pourrait presque s’y tromper. On sent une violette douce, fine et terreuse, traversée par une note de citron, tel un rayon de soleil. Une note verte – du réséda dans la reconstitution de Thierry Wasser et de Frédéric Salacone – représente l’odeur des feuilles en retrait dans le bouquet. Il y a déjà là une senteur délicieuse d’héliotrope très amandée, qui vient encore soutenir cette impression d’une violette cosmétique et crémeuse.



Héliotrope d’Europe


Cependant, dès les premières minutes, le costus ne tarde pas à se manifester, et, à chaque étage de la pyramide olfactive, s’affrontent des notes traditionnellement opposées. Nous reviendrons à ces codes olfactifs. Pour l’instant, suffit-il de dire que la fraîche violette, fleurie et verte, montre tout de suite une facette terreuse plus sombre.



Violette de Toulouse (grandsudinsolite.com)


De plus, très signalée par l’arrivée intempestive du costus, le début de la décomposition ne tarde pas, même si elle est atténuée par l’héliotrope. Je suis amusée à comparer le parfum de Guerlain avec des violettes fraîchement récoltées que j’ai mises dans un vase. Il en ressort que les notes de tête du parfum sont réalistes : même avant d’être cueillie, la violette a une légère odeur fétide d’eau stagnante, qui n’a rien à voir avec son séjour dans un vase. Les violette mortes, en revanche, sentent bon, parce qu’elles ont tendance à se sécher où qu’elles soient.



Toulouse-Lautrec, Bouquet de violettes dans un vase (1882)


Les notes de cœur observent la même dualité. D’une part, l’héliotrope se développe pleinement aux côtés d’un peu d’iris beurré et s’affirme aussi en note de fond associée à la vanille ; d’autre part, les muscs rejoignent ce bouquet fleuri et produisent un effet surprenant : une fleur qui n’en finit pas de mourir. Car on ne saurait dire qui prend le dessus. Fleur qui Meurt est un parfum extrêmement tenace, certainement dû à sa contenance en musc.



Chevrotin porte-musc


Cependant, il n’arrive jamais un moment où cette matière animale fait définitivement taire les fleurs. A certains moments, je crois qu’il ne reste plus que du muscs et une trace de vanille, mais l’instant d’après réapparaissent la violette et l’héliotrope. En fait, je les sens généralement tous là simultanément, qui se s’affrontent.



















Héliotrope d’Europe (gauche)

Chevrotin porte-musc (droite)




A mon sens, Fleur qui Meurt ne raconte donc pas, à strictement parler, la décomposition d’une violette du début jusqu’à la fin ou ne suit pas une ligne droite allant de la vie à la mort, mais dépeint un processus : le combat permanent de la vie contre la mort. Dans cette perspective, le parfum se focalise sur l’agonie et la corruption, sur la fleur mourante, aussitôt cueillie, plutôt que sur sa mort, le processus plutôt que l’aboutissement.



Violettes cueillies (experigout.com)


III – Le contexte historique de Fleur qui Meurt


Ce thème est d’autant moins banal que la violette avait une importance symbolique qu’il faut resituer en 1901. En effet, tout au long de la seconde moitié du 19ème siècle, la violette représente tout le contraire de ce qui est insalubre ou scabreux. Synonyme de la modestie dans le langage des fleurs, la violette suggérait la délicatesse et la pudeur qui sied à une femme de bien. C’était le temps de la femme-fleur et la violette, voire le violet, sa consécration.



La mode illustrée (1899)


De fait, certes, des femmes de toutes conditions, dont métaphoriquement Nana dans le roman éponyme de Zola, se parfumaient à la violette. Le même auteur imagine d’ailleurs, dans Au Bonheur des dames (1883), une fontaine d’eau de violette au centre du grand magasin, où les femmes viennent tremper leur mouchoir.



Gravure de la fontaine de l’entreprise de parfums de Brocaud en Russie (1882) (parfum-brocard.blogspot.com)


D’ailleurs si la violette connaît un tel engouement, c’est bien, à mon avis, parce qu’elle est le signe indéfectible de la distinction. Toutes les revues de l’époque – Le Bon ton, Le Petit messager des modes, La Mode illustrée – ainsi que les manuels de savoir-vivre, recommandent la violette comme gage de bon goût. Elle triomphe des autres fleurs en raison de l’innocence de son odeur fugace. Aussi est-ce la fleur parfaite à offrir pour un baptême, une naissance ou une communion. D’ailleurs les bondieuseries de l’Art Nouveau se déclinaient volontiers en violet.



Chapelet en perles violettes (etsy.com)


C’est pourquoi, bien que très utilisées, ni la rose opulente, d’origine orientale, accusée par certains d’être vulgaire vers la fin du 19ème siècle, ni l’héliotrope, pourtant à la mode depuis la découverte de l’héliotropine en 1869, ni l’iris raffiné, ne détrônèrent jamais la violette ,même au cours de la seconde moitié du 19ème, et ce jusque dans l’Art nouveau, à cheval sur la fin du 19ème et le début du 20èmesiècle.



Violettes carte postale Art Nouveau


Au contraire, sous le Second Empire et à la Belle-Époque, la violette triompha comme la fleur des élégantes. Les dames décoraient leurs chapeaux, adornaient leur corsage avec des petits bouquets – un usage moins innocent qu’il ne l’était dit, puisqu’il attire immanquablement le regard sur le décolleté ! – ou piquaient des violettes sur leurs manchons de fourrure. Des poésies de Shakespeare étaient parfois glissées à l’intérieur des bouquets.



Manet, Berthe Morisot au bouquet de violettes (1872) (détail sur son décolleté)


En 1896, La Mode illustrée s’en félicite encore :« En ce moment le parfum préféré pour le mouchoir est la violette. […] Applaudissons ce choix : la violette, infiniment plus fine, plus douce, plus distinguée, est bien le parfum qui convient aux femmes comme il faut. » A l’époque, en effet, on parfumait surtout les article de vêtement, ou alors on portait un petit bouquet de violette à la main, qu’hommes et femmes avaient coutume de porter au nez afin d’éviter de sentir les odeurs nauséabondes de Paris. D’ailleurs les hommes ne se privaient pas non plus de se parfumer avec de la violette.



Gravure dans ’La mode Illustrée’


Cependant, tous les produits de toilette, les cosmétiques parfumés, les savonnettes, les huiles et pommades capillaires, voire plus rarement la cire à moustache, étaient concernés. C’est dire que la violette étaient en odeur de sainteté. Or les chiffres des produits de la parfumerie explosaient pendant cette période. Selon Alfred Picard, dans Le bilan d’un siècle (1801-1900), ils seraient de 12 millions de Francs en 1836,18 millions en 1856, 26 millions en 1866, 45 millions en 1878, 70 à 75 millions en 1889 et 80 millions en 1900.



Savon Violettes du Congo de Victor Vaissier


Plus spécifiquement, à la fin du 19ème siècle, les parfums à la violette abondaient et faisaient grand usage des ionones, découvertes en 1893, ainsi que de pommades de violette obtenues par l’enfleurage à chaud.



Lotion Violettes de Parme de Victor Vaissier


Citons en quelques exemples  : la Violette idéale d’Houbigant étaient la plus déclinée du catalogue, disponible sous toutes les formes de cosmétiques possibles et imaginables ; il en était de même pour des produits à la de Victor Vaissier de provenances diverses : la Turquie, le Japon, le Congo, Parme et j’en passe ; en 1910, année de la création de Fleur qui Meurt, cinq parfums à la violette figurent sur le catalogue de Roger & Galet : Violette de Parme (créée en 1880), Violette ambrée (1890), Vera Violetta (1892) – parfumant 16 produits différents – , Violette merveilleuse (1905), et Violette Rubra (1910). Lorsque Jacques Guerlain composa Fleur qui Meurt, il y avait donc là un marché juteux, mais aussi quelque nécessité de se distinguer.



Roger&Galet, Vera Violetta (poudre de riz) (1892)

Roger&Galet, Vera Violetta (1892)


IV – La symbolique olfactive de Fleur qui Meurt


Les intentions du parfumeur me reste, certes, inconnues, mais force est de constater que la violette et le musc se tenaient aux deux extrémités de « l’échelle des valeurs olfactives au 19ème siècle », selon l’expression d’Eugène Briot. A l’appui de la condamnation du musc, il cite un article d’Ernest Morin dans ‘Le trésor médical des femmes’ : « [Les femmes] devraient surtout se méfier des essences concentrées, dites triples, riches en musc et en ambre, qui dégagent abondamment les effluves les plus subtils et les plus pénétrants : le serpent est caché sous les fleurs ! »



Klimt, Serpents d’eau II (1904-07)


Aussi, selon Briot, « Sur fond d’eau de Cologne et d’eau de lavande, les deux constantes olfactives de la période […] » se déployait une échelle où l’évanescence allait de pair avec l’élégance et l’opulence avec la vulgarité. Aux deux extrêmes, donc, la violette était encensée pour sa fugacité et sa douceur, le musc décriée pour sa teneur et sa puissance.

















Photographie de La Castiglione, Virginie Oldoin, (1877-1899), courtisane du 19ème siècle, qui inspira l’un des parfums musqués de la collection ’Cocottes de Paris’ d’Anaïs Biguine (gauche) et une illustration Art nouveau façon Klimt (droite)


La symbolique était claire : un parfum animal et affirmé s’interprétait comme signe de vulgarité et de débordements sexuels. Aussi le musc surpuissant ne convenait pas à celles qui se souciaient de la réserve féminine de bon ton. Cette mode n’était, bien entendu, pas suivie par tous, et la maison Guerlain avait pour habitude de mettre beaucoup de musc dans des produits qui n’étaient pas uniquement destinés aux hommes.



Photo de Fragrantica, La voilette de Madame de Guerlain (1904)


D’ailleurs des voix discordantes se faisaient entendre comme celle du parfumeur Septimus Piesse, qui clamait haut et fort, que le public préférait largement les parfums contenant du musc (« Le musc en parfumerie » (’La Parfumerie’, 2e année, n° 25, 12 août 1888). Mais comme il ne connaissait pas la composition des produits, il en achetait tant que le parfumeur prenait soin de ne rien lui en dire, tout en mettant du musc dans ses produits, au fi des discours vertueux.



Alexander Nikanorovich Novoskoltsev, Après la mascarade (1890)


Reste qu’en juxtaposant la violette évanescente avec le musc accrocheur, Jacques Guerlain détournait complètement cette fleur si particulière au 19ème de sa symbolique bien ancrée dans les mentalités. Car tandis qu’elle agonise, la violette se révèle toute aussi tenace que fugace.



Elisabeth Whitehead, Violets (circa 1900)


Quels que fussent les desseins de Guerlain, animaliser un parfum à la violette avec le pouvoir fixateur du musc, c’est lui donner un tout autre visage que celui qu’elle montrait depuis un demi-siècle. D’un commun accord, nous l’avons vu, toutes les revues de mode décrivaient l’odeur de la violette comme étant discrète. Or cette appréciation relève de la symbolique, car cette fleur, en réalité, dégage une senteur fleurie assez profonde, bien que fugace.















Illustrations de Walter Crane (1845-1915) pour The Flowers of Skakespeare’s garden : a posy from the play (1906) évoquant le double visage de la violette : (à gauche) obsucre et sucrée ; à (à droite) modeste d’apparence, le cœur enflammé


D’ailleurs la mythologie grecque voulait que Vulcain vainquit la répulsion de son épouse Vénus à son égard, en se parant d’une couronne de violettes, qui la fit succomber par son parfum irrésistible. Au Moyen-Âge, la violette odorante, comme beaucoup d’autres fleurs, j’en conviens, servait d’aphrodisiaque. Enfin voici encore une petite valse de Jean Anouilh, mise en musique par Georges Van Parys, La Complainte de la petite marchande des rues, qui lui attribue une odeur entêtante : 

Deux sous d’violettes,

Pour deux ronds, ça sent bon

Et ça monte à la tête

Deux sous de violettes-è-ttes (bis)’.



Georges Louis Picard, La vendeuse de violettes (1857-1943)


Bref, à mon avis, la violette ne symbolise la délicatesse et la pudeur qu’en raison de sa petitesse et de sa forme : ses deux pétales supérieures qui la cachent en partie, lui donnant l’air de baisser la tête. De plus, elle dissimule ses semences et s’autoféconde dans son écrin de feuilles. Toutefois, son odeur n’a rien de singulièrement discret. Il n’y a qu’à sentir et la fleur et les parfums à la violette, dont Violette qui embaume, créé en 1904 par Jacques Guerlain, très proche de la violette standard de l’époque.



John William Godward, Danseuse ionienne portant une couronne de violettes (1902) (et adossée à des fourrures)


De plus, la violette avait un double visage en raison de sa couleur. Nommée d’après la fleur, la couleur violette était, en effet, ambiguë. Dénommé « subniger », ou sous-noir, au Moyen Âge comme toutes les couleurs foncées, elle renvoyait à la fourberie et à la tristesse, à la pénitence et à l’affliction. A l’époque, les rois s’habillaient de violet en signe de deuil et, à la fin du 19ème siècle, le violet se portait toujours pour marquer un deuil atténué par le temps ou la degré d’éloignement du parent concerné.



Pal Szinyei Merse, La dame en violet (1874)


Pis, jusqu’à son identification à l’extrémité du spectre solaire, après le bleu, par Newton, le violet se confondait souvent avec le noir. On peut donc réellement parler d’une redécouverte du violet. Dorénavant, on appelle violet la couleur au-delà du bleu dans les couleurs de l’arc-en-ciel, et avant les ultraviolets, complètement invisibles.



Schéma de l’expérience de Newton (1666)


C’est peut-être pourquoi le violet en vint à exprimer quelque chose de subtil qui frôle le monde inconnu de la mort. Très prisé par les symbolistes et les impressionnistes au 19ème siècle – que Jacques Guerlain appréciait particulièrement –, le violet s’assimilait à la lumière du soir, qui, avant de sombrer dans la nuit, touchait à l’au-delà de ses tons subtils et magnifiques.



Monet, Maison du parlement au coucher du solei (1903)


L’agonie d’une violette rappelait-elle à Guerlain celle de la lueur sur son déclin ? Est-ce pourquoi il choisit cette fleur plutôt qu’une autre pour traiter de la mort ? La chose n’est pas impossible : cette couleur riche et fuyante – des taches violettes sur un fond neutre semblent plus loin que le fond (des trous violets) – n’est pas sans rappeler la nature de la violette si parfumée se soustrayant aux regards.



Monet, Nymphéas, reflets de saule (1916-1919)


Quand porter Fleur qui Meurt ? Lorsqu’on se sent de taille à sentir à la fois la violette, le musc et l’eau croupie. Il y a beaucoup de jours comme cela au printemps, qui m’a toujours paru, une saison changeante, ambivalente, où la renaissance de la nature va de pair avec l’agonie avec les plantes qui se meurent, au fil des jours, afin de laisser place à d’autres espèces.



John William Godward, Danseuse ionienne portant une couronne de violettes (1902) (et adossée à des fourrures)


Notes de tête :

Citron, Bergamote, Violette, Réséda et Costus


Notes de coeur :

Héliotrope, Violette et Iris


Notes de fond :

Musc, Violette et Vanille