Black de Bvlgary (#lesplusbeauxparfums)

Black de Bvlgari est d’abord une œuvre minimaliste : des notes de thé, de bergamote, de caoutchouc et de cuir, en voilà l’essentiel. Au début, la fumée du thé et l’odeur montante de la bergamote prennent le dessus, puis la gomme de caoutchouc et le cuir dominent.

Bergamote (2m.ma)

Rien que du noir donc contrasté avec une bergamote fusante. Dans Black, c’est d’abord du noir que naissent des éclats de couleur parce que des plis dans sa texture laissent place à des stries de lumière. Ce n’est donc pas une œuvre sombre, mais moirées, aux chatoiements translucides.

Soulages, Outrenoir (série)

Lancé par Bvlgari, en 1998, Black fut créé par Annick Ménardo à ses touts débuts. Bvlgari voulait évoquer un milieu urbain stylisé et futuriste. Voici la description de Sephora : « D’inspiration urbaine, ce parfum est l’expression du design avant-gardiste de Bvlgari. Unique, essentiel, audacieux, magnétique, non-conformiste et visionnaire. Le flacon exprime la technologie et l’innovation dans leurs formes les plus pures. »

Bruce McKingley, Oregon Highrises

Le minimalisme de Ménardo, toutefois, ne se cantonne pas au formalisme : elle explore aussi la matière du milieu urbain : fumée et caoutchoutée, mais aussi pourvue d’une douceur persistante, là où le noir se voile de gris. Car, a vrai dire, les notes fumées du thé et du cuir se rejoignent pour évoquer la couleur gris-noir du caoutchouc.

Dans les mots de Soulages, le noir « n’existe jamais dans l’absolu », car son intensité, en peinture, dépend de la lumière qui en émane, elle-même tributaire du support, de la forme et de la texture du tableau.

Soulages

Dans le parfum de Ménardo, du bois de santal, des résines et de l’ambre sont tout à tour exaltées par le thé noir, le caoutchouc et le cuir, mais même ces reflets changeants renvoient eux-aussi aux teintes de noir dont elles sont issues. Car le noir ne se retire que pour revenir en force. Aussi Black ne s’appréhende pas selon la structure d’une pyramide olfactive, mais plutôt au gré de notes qui s’avancent, brillent et se retirent, laissant place aux autres, comme dans un jeu de lumière.

Soulages, Vitrail (Abbatiales de Conques)

Le plus étonnant reste, toutefois, la matière, non la forme du parfum : du caoutchouc, des résines gommeuses, voire l’asphalte. Black arrive, en effet, à rappeler les qualités tactiles de la gomme – élastique, plastique, résistante, glissante, et parfois collante par temps chaud comme une route nouvellement goudronnée.

Soulages, Goudron sur verre

Alors ‘les lignes pures de la technologie’ apparaissent soutenues par la plasticité de ses matériaux. Au travers de l’odeur, Ménardo exprime une vision futuriste du monde urbain mais aussi le toucher où prime la souplesse et la flexibilité des nouvelles matières.

Rachel Whiteread, Watertower (résine translucide et acier) (1998)

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Malgré ce que l’on pourrait croire, Black se transforme donc rapidement en parfum caressant. La vanille et les résines lui donnent un fond doux et des notes de thé, quant à elles, persistent jusqu’à la fin et apportent un relent de feuilles fumées. A l’extérieur, il y a l’odeur fumée des voitures et des pneus ; à l’intérieur, celle du thé, supposément de thé Lapsang Souchon, plus fumé que des autres thés, car séché au-dessus de feu de pin.

Thé Lapsong Souchong

Les facettes boisées de ce thé, avec ses notes d’eucalyptus et de réglisse, renforcent les bois, et expliquent peut-être la note verte de Black, ainsi que son côté anisé légèrement épicé. Mais le Lapsang Souchon reste surtout subtil et très fin, même si, au bout du bout, c’est cette note de thé plutôt que la vanille qui me reste sur la peau.

Soulages, Outrenoir (cosmo-cook.com)

Facile à porter, sa tenue, en revanche, laisse franchement à désirer, et je le garde donc pour les jours où je désire mettre un parfum discret mais moderne. Nul besoin d’être habillé : le noir de Black ne se révèle ni luxueux, ni sculpté comme la demeure d’un prince moderne. Après une brève note de bergamote, Black prend la forme d’une roue, construite autour du thé fumé, dont le cycle se répète jusqu’à la fin de l’évaporation : cuir caoutchouté, vanille sèche, légèrement poudrée et aromatique plutôt que gourmande, résines atténuées.

Vanille (mondepices.com)

Notes de tête :

Bergamote

Notes de cœur et de fond :

Thé Lapsang Souchong, Cuir, Gomme, Résine, Bois de santal et Cèdre

Notes d’arrière-fond :

Cuir, Ambre, Musc et Vanille