Lichtenstein, Kiss 3

La première et unique qualité des parfums Pop est d’attirer immédiatement, sans effort, le plus grand nombre de personnes possibles. Afin de les décrire, j’utilise le terme ‘Instant attraction’ inventé par les américains, qui signifie le coup de foudre amoureux et fait l’objet d’études plus ou moins sérieuses, ainsi que de beaucoup d’histoires romancées.

Pour notre propos, cette connexion, ressentie instantanément entre deux personnes, renvoie à l’alchimie, qui opère entre un parfum et une personne, sans s’expliquer autrement que par une compatibilité d’humeur, pas si mystérieuse que cela, à partir du moment où elle renvoie à des produits déjà connus et habituels, ne nécessitant aucune initiation, parce qu’ils font déjà parti de notre seconde nature, celle que nous crée notre environnement familier.

Trois types de parfums me semble correspondre à ce critère : ceux qui séduisent en douceur, comme les chansons d’amour ; ceux qui incorporent des muscs blancs, très employés dans l’industrie cosmétique, donc associés à la propreté et proches de la l’art Pop dans la mesure où ces produits industriels sont retravaillés de façon artistique ; enfin lesdits savons de barbier, versions populaires des fougères aromatiques, qui me rappellent parfois la country, parfois le rock, tant ils exaltent la masculinité avec quelques accords simples.

Muscs blancs (Berdoues)

J’emploie là le terme de Pop dans son acception la plus large. A l’origine, dans les années 50s, la Pop s’employait pour désigner toute forme de musique populaire. Jusqu’à la fin des années 60s, les termes ‘Pop’ et ‘Rock’ étaient interchangeables avant que la Pop ne soit associée aux discothèques, aux divertissements et aux hit-parades, alors que le rock gardait un caractère contestataire. A noter que même dans cette acception restreinte, la Pop music verse dans l’éclectisme et emprunte des éléments au rock, à la dance, à la country, au blues, au rap, à la ’dance’ musique électronique, qui la domine complètement depuis 2014, et, plus fréquemment qu’on ne le croit, à la musique classique.

Jano B, groupe éthopien, photo (sisayguzay.jpg) (musicafrca.net))

Tout de musique électroniques de 2014 (affairedegars.com))

En effet, la Pop musique doit surtout être facile d’écoute et la musique classique avec ses thèmes et ses variantes possède la même structure que les chansons avec leurs couplets et leurs refrains. Plus avant, la musique de variété se sert du système tonal et de la gamme tempérée, introduits progressivement à partir de la musique baroque du 17ème siècle, auxquelles nous accoutumons tellement facilement que certains airs nous hantent. Parallèlement, les parfums Pop s’inspirent de toutes les familles de parfums et des senteurs que nous reconnaissons pour en donner des versions agréables et accessibles.

Lichtenstein

A partir de là, il apparaît que les parfums Pop ne se délimitent pas des autres familles de parfum et pourraient tous y être classés. Et ce d’autant plus que certains parfums Pop, comme Anaïs Anaïs de Cacharel, White Linen d’Estée Lauder ou Pour Homme de Paco Rabanne ont marqué l’histoire de la parfumerie et inspiré des compositions plus difficiles d’accès. Dans ce sens, ce sont aussi des classiques.

Parfums Cacharels

Parallèlement, la musique populaire a toujours influencé la musique classique écrite pour la postérité plutôt que vouée au divertissement. Par exemple, la musique de la Renaissance, dite classique, tient autant du chant grégorien que des chants profanes écrit non en latin, mais en langue d’Oc, par des troubadours, et en langue d’oïl, par des trouvères. Mozart lui-même, au gré de ses voyages, s’est largement inspiré de la musique classique française, telle qu’elle était jouée à Paris au 18^ème, ainsi que de la musique populaire italienne.

Michel Barthélémy Ollivier, La cour du prince de Conti écoutant le jeune Mozart

Il existe, cependant, des propriétés qui permettent d’identifier la Pop musique. Premièrement, les chansons sont généralement de courte ou de moyenne longueur et écrire sur le format de couplets et de refrains repris en chœur. Celui-ci fonctionne généralement sur le modèle de ce que les anglophones appellent ‘hook’, c’est-à-dire littéralement une accroche, bien que cette idée musicale peut aussi prendre la forme d’une phrase musicale unique, d’un court passage ou d’une particularité rythmique telles une phrase musicale répétée.

Il s’agit bien entendu de capturer l’attention de l’auditeur comme un beau parfum Pop doit avoir une note ou un accord signature qui marque immédiatement le public. Mais surtout les compositions de musique ou de parfums Pop doivent rester mélodique à quelques exception près. Suffit-il de dire qu’une mélodie se définit comme une suite de notes satisfaisantes.

Image extraite du clip de musique Pop pour Angel

Deuxièmement, la Pop music se définit par ses rapports très étroits avec les circuits de distribution et les maisons de disques. Dans son livre, Pop Music : Technology and Creativity : Trevor Horn and the Digital Revolution Timothy Warner montre l’importance de l’enregistrement, de la production et de la technologie, qui l’empotent, dans la musique Pop, sur les performances scéniques.

Musique de studio (studiomusic.com)

Cette façon de faire de la musique la rend dépendante de modes existantes et axée sur des rythmes dansants. Il ne faut pas beaucoup d’imagination pour faire le rapport avec les parfums Pop. D’abord, ceux-ci sont toujours conçu en collaboration avec des grands groupes industriel de production de parfums et de molécules de synthèse, ainsi que d’une équipe de marketing, qui ne cherche pas l’originalité ou la créativité trop risquées d’un point de vue commercial. Ensuite, ces parfums ont pour vocation d’être vendu dans les grands circuits de distribution, comme Sephora en France, ainsi que dans les supermarchés.

Sephora : section parfums

Enfin, les parfums Pop rejoignent la musique Pop, mais aussi la Pop art, dans la mesure où ils refusent l’élitisme, revendiquent l’imagerie populaire et intègrent des matériaux banals de la vie quotidienne et de la culture de masse dans leur produits, voire souvent un goût prononcé pour le kitsch décliné avec plus ou moins d’ironie.

Eduardo Paolozzi, I was a rich man’s plaything (1947)

Comme dans la Pop art, ces matériaux peuvent être isolés de leur contexte habituel, voire recombinés de façon novatrice, comme le fameux accord patchouli/chocolat d’Angel. Que l’on apprécie ou non, il s’agit là d’une esthétique bien particulière alternant entre le sexy et le kitch.

Jagger mère en sirène et Jagger fille topless pour des campagnes publicitaires d’Angel